Evaporation est un travail regroupant 9 photographies et un poème. Cet ensemble fut réalisé un après-midi d’août dans l’enceinte du cirque d’ Anglade en Ariège. Ce travail fut édité en ouvrage disponible IcI.
Août. L’air est humide, il ne pleut pas, le ciel ondule de nuages. En fin de matinée, trois amis laissent derrière eux le parvis pollué de l’ancienne mine de Salau et s’enfoncent à travers la forêt, vers le cirque d’Anglade. Passée la frontière des derniers arbres, se découvre l’arène où se joue la danse des éléments. Entourée de parois rocheuses, imposantes et rayonnantes, l’eau se laisse monter vers les hauteurs infinies et retomber en léger brouillard, fines gouttelettes ou bruyantes cascades. Les trois marcheurs se perdent et laissent errer leurs sens dans cette nature triomphante, ce lieu magique, cet autre monde et au delà.
Photographies : Simon Bezzi Batani
Poésie : Nicolas Montès









Évaporation
Tout au dessus de nous, Enfermée dans l'arène, La mer de spectres nus Déverse en doux remous Une longue dentelle De chagrins décousus. Du granit émoussé Coule cette cascade Qu'une lueur liquide, A travers des trouées Brumeuses, en cascades Émeraude, illumine. Ici, dans l'hémicycle, Commencent et finissent Le temps et son abscence Distant d'un simple cycle, Vertiges de l'abysse Vert de fluorescence. Jadis, la pluie fugace dansa dans le vallon Comme une main étrange Et tâta la surface De la Terre en fusion De ses longs doigts en franges. Mille vapeurs immenses S'élèvent alors Et léchèrent les cimes Des hautes jungles denses Pour atteindre les bords De Salau et ses mines. Là, de lourdes machines Vomissaient dans l'orage Les jets incandescents Qui changeaient en ruine, Par d'incessants forages, Le monde surchauffant. Les fumées ascendantes Se nourrissent depuis Des larmes qu'ont versées Les pupilles en fentes De l'espèce punie Sur les tous les troncs gravées. Puis elles alimentent Le lac qui nous surplombe Et au dessus duquel Les vagues se fragmentent En d'innombrables trombes Dans les revers du ciel. Pourtant, de larges dômes Sortent des flots célestes, En marbre, aux tours de jade, Futurs restes de l'Homme Réfugié sur la crêtes Du grand cirque d'Anglade. Ces îles pleureront Les averses d'antan Et gouttent déjà l'or, Diffus dans l'horizon, Sur les cils de l'enfant Aux boucles sémaphores. Il montre d'un doigt court La beauté du spectacle Cloué dans l'atmosphère Comme le font toujours Les tout petits oracles Dans les bras de leurs pères. C'est là, les sens accrus Devant cet avenir, Au large de ses ports Bien au-delà des nues, Qu'en un tendre soupir Dans l'air, je m'évapore.